Il est facile de penser que les largages en parapente sont anodins du fait de la hauteur et de l’absence d’obstacle (falaise) au moment du saut. Pourtant de nombreux accidents évitables arrivent lors de ce type de saut.
Dans cet article je vais essayer de synthétiser un ensemble de points clés, mais aussi d’erreurs communes à connaître avant de réaliser un largage. Si vous envisagez de vous faire larguer ou si vous souhaitez larguer des potes, cet article devrait vous intéresser.
Dans le but de faire évoluer cette réflexion n’hésitez surtout pas à me donner votre avis et à partager vos expériences (bonnes ou mauvaises) pour que je mette à jour ce texte et qu’on fasse ensemble évoluer cette réflexion.
A) Les points de sécurité fondamentaux lors d’un largage
- La communication entre le pilote et le sautant sur le plan de vol :
Dans l’idéal il faudrait que le pilote tout comme le BASE jumper, soient capable d’échanger les rôles car le meilleur moyen de comprendre les problématiques de quelqu’un c’est de se mettre à sa place.
Dans la réalité, vous n’allez pas toujours trouver des personnes qui pratiquent les deux activités. Il faudra donc être très clair au moment du briefing sur le déroulement du décollage, du largage mais aussi sur l’ensemble des points de sécurité qui seront de la responsabilité de l’ensemble du binôme.
N’hésitez pas à répéter plusieurs fois au sol l’ensemble de la procédure avec votre pilote. Comptez le nombre d’actions que vous allez devoir faire pour vous détacher, l’ordre dans lequel vous allez les effectuer, comment le pilote va pouvoir vous aider et mettez vous d’accord sur le vocabulaire que vous allez employer.
Une fois en l’air répétez la procédure à voix haute de façon méthodique en comptant à nouveau les étapes. Il est très facile d’oublier de déconnecter une attache et de se retrouver suspendu accidentellement sous la sellette passager au moment du largage. - Vérifiez le bon conditionnement de votre extracteur et de votre drisse d’extraction :
En BASE JUMP on a tendance à être trop laxiste sur le placement de l’extracteur. Beaucoup d’entre nous, par peur de ne pas le trouver, le laissent dépasser de façon exagérée.
Lors d’un largage, tout comme en skydive, une ouverture intempestive de votre parachute peut avoir des conséquences très graves. Avant de décoller vous devez vérifier que seule la poignée dépasse. Au moment de la mise en place vous devez être très vigilant sur le fait que votre extracteur ne vienne pas se bloquer contre la sellette passager. Faites vous aider et vérifier par votre pilote. - Vérifiez tous les points d’attaches au moment de décoller :
En plus de vérifier que vous vous êtes bien équipé avec votre parachute, portez une grande attention sur le fait que vous soyez également bien équipé dans la sellette passager.
Sentir une tension dans les cuissardes de votre parachute peut ne pas vous alerter sur le fait que vous n’avez pas attaché les cuissardes de la sellette passager et vis versa. Une fois que vous pensez être bien équipé, faites vous systématiquement vérifier par votre pilote. - Anticipez la déconnexion de la sellette :
Dès que vous avez assez de hauteur, commencez à vous déconnecter. Évitez d’être dans le rush au moment où vous arriverez au point de largage, en anticipant la mise en place du mieux que vous le pouvez. - Dans l’idéal sautez debout :
Le meilleur moyen de vérifier que vous êtes correctement déconnecté de la sellette et que l’extracteur ne reste pas bloqué dans celle-ci au moment du saut, c’est de partir débout.
Les sellettes à planchette seront beaucoup plus confortables que les sellettes cuissardes pour se mettre debout.
Pour cela, une fois complètement déconnecté, venez prendre l’ensemble des élévateurs du biplace de façon symétrique et demandez au pilote de confirmer le placement de vos mains avant de tirer dessus. Il vous suffit ensuite d’effectuer une légère traction dans le but de vous retrouver dans un premier temps accroupi sur la sellette passager avant de vous lever. Le pilote peut vous assister dans cette étape en venant maintenir la sellette avec ses cuisses. - Utilisez un altimètre pour connaître la hauteur de largage :
Contrairement à un saut de BASE où vous connaissez le rock-drop, en parapente la hauteur de largage peut fortement évoluer suivant l’aérologie, la qualité du décollage et la transition réalisée. De plus, l’absence de relief rend l’évaluation de la hauteur sol difficile.
Il sera plus confortable pour vous de savoir à quelle hauteur vous êtes. Surtout si vous avez perdu du temps à vous déséquiper et que le pilote doit faire demi-tour pour retourner au point de largage.
Attention à avoir un pliage et extracteur adapté à un largage plus bas que prévu !

- Décidez au préalable du point de largage et vérifiez l’espace aérien :
N’attendez pas le dernier moment pour décider du point de largage et gardez bien en tête que votre pilote n’est pas qualifié (comme en skydive) pour vous larguer. C’est à vous de guider votre pilote, d’être sûr que vous êtes bien à la verticale du point souhaité (attention à la parallaxe) et SURTOUT qu’il n’y a personne en dessous de vous. - Prévenez le pilote sur le temps de chute envisagé :
Si c’est la première fois que le pilote largue quelqu’un il va surement avoir l’impression que vous tirez “très bas”. La parallaxe n’aidant pas à l’évaluation de la hauteur sol, il risque de passer un mauvais moment jusqu’à l’ouverture de votre parachute.
N’hésitez pas à le rassurer et à le prévenir sur le fait que votre temps de chute va lui sembler très long. - Privilégiez l’utilisation de sellettes avec des protections et protégez vous :
En cas de décollage raté ou d’un retour au sol accidentel, les protections airbag ou mousse-bag des sellettes passager et pilote feront une grande différence entre une petite blessure ou une blessure grave. Ne vous privez pas de cette sécurité !
Idem pour votre tenue, à priori si vous partez sur un largage vous n’êtes pas monté à pieds. Vous n’avez donc aucune raison de ne pas prendre avec vous un pantalon, un tee-shirt manche longue et un vrai casque.
Si vous vous crashez ou si vous faites une roulade au décollage, les équipements que vous portez vous seront très utiles.
B) Les sauts en combinaison :
- Tracksuit deux pièces :
Pour courir plus facilement et participer activement au décollage je vous recommande de ne pas trop tendre l’attache de votre TS avec vos chaussures voir de ne pas la connecter.
Vous pourrez ajuster la tension pendant la transition vers le point de largage. Même si vous oubliez de la réajuster ceci ne devrait pas avoir de conséquences, car vous ne devez pas partir sur une ligne de track engagée en sautant d’un parapente.
- L’utilisation de tracksuit une pièce ou de wingsuit :
A priori vous n’allez pas pouvoir décoller avec les booster, car en plus de vous gêner pendant la course, les cuissardes de votre sellette passager ne pourront pas être mises si vous avez déjà enfilé votre combinaison.
– S’il y a du vent et/ou que vous êtes à l’aise pour courir avec les boosters, vous pouvez décoller en connectant directement les cuissardes de votre parachute à la sangle de poitrine de la sellette passager via des mousquetons à vis.
Dans cette configuration vous n’aurez pas à utiliser les cuissardes de la sellette passager qui devront être bien rangées pour ne pas gêner au moment du largage (vous gagnerez un temps précieux lors de la mise en place).
– Si vous utilisez une vieille sellette passager sans système anti-oubli, il est possible que vous puissiez, une fois en l’air, déconnecter les cuissardes sans défaire la ventrale. Ceci vous permettra de venir mettre les boosters en étant sécurisé par la ventrale. N’hésitez pas à demander à votre pilote de vous tenir et d’appuyer sur vos épaules pour vous faire basculer dans une position semi-couchée. Cela limite fortement le risque de glisser de la sellette. Dans ce cas là, essayez de décoller avec les fermetures éclairs des jambes le plus zippées possible.
– Si vous utilisez une sellette passager récente vous allez devoir déconnecter les cuissardes puis la ventrale avant de reconnecter la ventrale en décalant la sécurité anti-oubli de l’attache cuissarde à gauche ou à droite de vos jambes. Attention à ne pas glisser pendant cette procédure. Idem pour les fermetures éclairs, essayez de les zipper le plus possible avant le décollage.
C) Les triplaces :
Le fait de décoller en triplace augmente considérablement la technicité de la manœuvre et la prise de risque. N’envisagez un triplace que si vous êtes déjà expérimenté et très à l’aise sur les largages en biplaces.
Le fait d’être trois aura pour conséquences de rendre :
- le décollage plus long et difficile (je vous recommande fortement de ne pas décoller si le vent n’est pas dans l’axe et régulier).
- le vol plus rapide et donc le temps de déconnexion et de préparation plus court (la charge alaire étant plus importante les vitesses horizontale et verticale seront plus élevées).
- la communication plus difficile à cause du vent relatif et du placement éloigné du deuxième passager.
- le nombre de connexions plus important. De plus la proximité du trinome augmente le risque de mauvais équipement.
- l’atterrissage à trois très dangereux si le largage n’a pas pû avoir lieu.
- le PTV de la voile non respecté (en général il est de 200kg sous un BI) le comportement de celle-ci peut changer car elle n’est pas prévu pour voler avec autant de poids.
- la probabilité importante que le deuxième passager en décollant en dernier, trébuche et vienne se retenir accidentellement à la poignée du secours pilote.
- Décollage avec trois sellettes et deux jeux d’écarteurs :
Cette configuration est celle que j’utilise quand le vent est assez fort. Il s’agit de connecter un deuxième jeu d’écarteurs à la connexion normalement prévue pour la sellette passager sur l’écarteur principal.
Avantages :
– tout le monde est équipé d’un sellette avec protection en cas de crash
– le passager du milieu n’est pas obligé de sauter et peut servir de ballaste en cas de largage par vent fort
– les connexions entre le trinôme sont plus faciles, il y a donc moins de risque d’erreur.
Inconvénients :
– il est très difficile de courir dans cette configuration (du vent soutenu sera nécessaire)
– le passager du milieu sera comprimé entre le pilote derrière lui et le deuxième passager devant lui. Il sera difficile pour lui de se déconnecter et de sauter de la sellette.
- Décollage avec deux sellettes et une triangulation sous la sellette passager :
Cette configuration peut être utilisée dès que le vent est modéré. Il s’agit de réaliser une triangulation sous la sellette passager en laissant dépasser un brin de corde sur lequel vous pouvez ensuite vous y connecter à l’aide :
– d’un système 3 anneaux (qui doit OBLIGATOIREMENT être sécurisé jusqu’à la zone de largage)
– d’un grigri (qui doit OBLIGATOIREMENT être sécurisé par un nœud d’arrêt)
Avantages :
– le passager confortablement installé dans la sellette peut facilement sauter en combinaison. ATTENTION à ce que les anses de la triangulation soient assez grandes pour ne pas comprimer la sellette passager (airbag).
– le passager de la sellette n’est pas obligé de sauter et peut servir de ballaste.
Inconvénients :
– le passager sous la triangulation n’est pas protégé en cas de crash.
– le décollage doit être raide car le passager sous la triangulation va décoller en dernier.
– le passager sous la triangulation va devoir courir vite car il va décoller en dernier.
– le passager sous la triangulation doit dans l’idéal décoller en se tenant à la force des bras. Si celui-ci se retrouve en tension dans son baudrier d’escalade pendant le décollage, il va basculer assis et ne pourra pas courir.
– la triangulation, si elle est mal placée au décollage, peut venir comprimer les jambes du passager installé dans la sellette.
- Décollage avec une sellette pilote et deux passagers en triangulation sous l’attache de l’écarteur passager :
Avec un peu d’entrainement, cette configuration peut être utilisée par vent faible. Il s’agit de réaliser une triangulation connectée aux attaches de l’écarteur prévus pour la sellette passager. Vous devez ABSOLUMENT réaliser une triangulation pour équilibrer les forces. Sinon vous risquez qu’il y ait un déséquilibre entre les écarteurs si les passagers ne font pas le même poids ou si un mouvement d’inertie s’installe. Une fois la triangulation réalisée, vous devez laisser dépasser deux brins de corde sur lesquels vous pouvez ensuite vous connecter à l’aide :
– d’un système 3 anneaux (qui doit OBLIGATOIREMENT être sécurisé jusqu’à la zone de largage)
– d’un grigri (qui doit OBLIGATOIREMENT être sécurisé par un nœud d’arrët)
Avantages :
– Vous êtes attaché assez haut ce qui nécessite un décollage moins raide (n’hésitez pas à faire les anses de la triangulation le plus court possible)
– Vous pouvez commencer à courir en vous tenant par la force des bras aux écarteurs ce qui permet une course de face plus efficace
– Vous êtes face à face pour vous larguer en même temps 😀
Inconvénients :
– Les passagers ne sont pas protégés en cas de crash
– Les passagers finissent pas décoller face à face et peuvent se gêner voir accidentellement débrayer leur système d’assurage
– Il est nécessaire de descendre doucement en bout de corde avant de vous larguer. Sinon vous risquez de vous faire fouetter par la corde.
D) Les erreurs classiques en largage parapente
- Ne pas avoir de parachute de secours pour le pilote
Vous n’êtes pas à l’abri d’un imprévu, le pilote doit absolument avoir un parachute de secours pour BIplace utilisable en cas de crash. - Pousser au moment du saut
Il est très tentant de pousser depuis la sellette au moment du saut. Même si le pilote essaye de la bloquer avec ses cuisses il y a beaucoup de chances que vous soyez déséquilibré et que vous finissiez tête en bas. Si vous n’avez pas le niveau ou la hauteur pour faire un frontflip il vaut mieux renoncer. - Sauter glisseur BAS
Réaliser un bel exit rangé depuis un parapente est difficile. Si vous devez corriger une mauvaise position, il vous faudra consommer de la hauteur ce que ne vous permet pas un saut glisseur bas.
Sauter en PCA ou ALM me semble extrêmement dangereux car en plus de la problématique de l’exit, le biplace vole à 40km/h ce qui augmente la probabilité d’une ouverture intempestive pendant la mise en place.
- Croire qu’il s’agit d’un saut débutant
Même si sauter d’un parapente permet de ne pas avoir d’obstacle, de choisir un atterrissage facile et d’avoir de la hauteur, il ne faut pas penser pour autant qu’il s’agit d’un saut facile en raison de l’ensemble des facteurs précédemment énoncés.
Si vous n’arrivez pas à avoir au moins 500m sol je pense qu’il est plus confortable de faire ses premiers sauts glisseur haut depuis le BIG.
- Oublier de prévenir le pilote sur son regard au moment du saut
Vous devez rappeler au pilote de regarder sur le côté des écarteurs au moment du saut sinon il risque de se faire violemment fouetter par la sellette passager.
- Ne pas utiliser du matériel adapté
Privilégier des mousquetons 3 actions, des systèmes 3 anneaux avec une sécurité, les sellettes ayant des cuissardes faciles à déconnecter et des diamètres de cordes suffisant pour que le grigri fonctionne.
Il est facile de faire des erreurs et des gestes imprévus pendant un largage, mettez toutes les chances de votre côté avec du matériel adapté.
- Négligez l’aérologie pour le pilote
Je vous rappelle qu’un biplace est fait pour être volé avec un poid minimum (souvent de 110kg). Pour que le vol et l’atterrissage soient agréables pour le pilote ne lui demandez pas de vous larguer par vent fort ou en condition trop thermiques.
- Sous estimer l’effet de groupe
Les largages en parapente sont super fun, attention à ne pas trop pousser votre créativité et l’envie de faire des manipulations compliquées. Soyez très vigilant sur l’effet de groupe, essayez de rester procédurier et de vous cantonner à ce que vous savez faire.
- Ne pas briefer les passagers sur le placement du parachute de secours
Vous devez absolument montrer à vos passagers où se situe la poignée du parachute de secours du biplace. Il faut insister sur le fait qu’ils l’ont bien repérée et qu’ils ne vont pas tirer dessus par erreur..
Si le passager est lui même équipé d’un parachute de secours (en cas de D-bag) vous devez également être certain que pendant la mise en place le tirage accidentelle de celui-ci ne soit pas possible. - Oublier que vous pouvez toujours atterrir ensemble et annuler le largage
Ca semble évident à dire mais gardez toujours en tête que si rien ne se passe comme prévu et que vous avez le moindre doute vous pouvez toujours annuler le largage.
Vous ne devez en aucuns cas sauter à tout prix du biplace. Si vous n’êtes pas prêt à temps pour le largage vous pouvez tout simplement vous rattacher et atterrir en sécurité avec votre pilote.
J’espère que cet article vous serra utile, n’hésitez surtout pas à y participer en me faisant des retours pour que je le mette à jour.
Je vous rappelle qu’en France les largages sont interdits. Le pilote qui vous largue prend des risques légaux et moraux. En cas d’accident, l’ensemble de la communauté va subir le durcissement des règles.
SI VOUS AVEZ UN DOUTE NE SAUTEZ PAS
Merci à David Laffargue de l’école O2BASEJUMP de m’avoir aidé à réaliser ce texte.